Dans « Happycratie », Eva Illouz et Edgar Cabanas s'attaquent avec brio à la dictature du bonheur. Un livre édifiant, important et urgent, pour comprendre l'emprise d'une idéologie devenue mondiale au service du pouvoir. Entretien avec la sociologue franco-israélienne.
L'OBS. Vous êtes franco-israélienne. En dépit des tensions qui le traversent, Israël est régulièrement classé parmi les pays les plus heureux du monde. Comment l'expliquez-vous?
Eva Illouz. Ces études commanditées par les Etats reposent sur une méthodologie grossière et erronée. Daniel Kahneman, le prix Nobel d'économie, a réalisé toute une série d'expériences qui démontrent que les gens ne savent pas évaluer leur niveau de bien-être. Je vous en livre un exemple. A un premier groupe de personnes, on demande de plonger la main une minute dans une eau glacée. A un second, on demande de plonger la main dans une eau tout aussi glacée, mais au bout d'une minute on réchauffe l'eau d'un seul petit degré et on y maintient la main une minute supplémentaire. Alors que l'expérience est objectivement plus désagréable, à la fin, le deuxième groupe lui donne pourtant systématiquement une note plus haute que le premier.
A mon sens, plus que le bonheur, ce que ces études internationales mesurent, c'est l'image que les gens veulent donner d'eux-mêmes et croient devoir donner. Il se trouve qu'en Israël domine dans les mentalités l'idée qu'on doit être résolument optimiste. «Tout va s'arranger» (Ha kol ihiye beseder, en hébreu) est la phrase courante applicable à tout désastre.
Dans «Happycratie», vous lancez justement une charge virulente contre la psychologie positive et l'idéologie du bonheur qu'elle promeut au point d'en avoir fait une industrie (coaching, livres de développement personnel, shows télé…).
C'est une idéologie qui a non seulement produit une industrie brassant des milliards mais aussi des politiques publiques aux effets pernicieux. Quoi de plus pratique en effet pour des dirigeants que la promesse du bonheur, pour endormir et dominer les peuples ? La psychologie positive s'est tellement bien exportée qu'on trouve aujourd'hui des «classes du bonheur» jusqu'à Delhi, en Inde: des modules quotidiens ont été conçus par le ministère de l'Education à l'attention des écoliers, dans le but de réduire un malaise social croissant. Comme en Israël, le pays va mal, mais on vous dit : «Circulez, il n'y a rien à voir.»
"Avec la psychologie positive, le malheur et la pauvreté deviennent une question d'échec psychique"
Dans quel contexte la psychologie positive apparaît-elle?
Il faut revenir sur l'évolution intellectuelle de la psychologie aux Etats-Unis. La psychanalyse avait pour propriété de montrer que nous n'étions pas entièrement responsables de nos sentiments et de nos actions parce qu'ils émanaient d'une structure psychique non consciente. Or, dans les années 1960 et 1970, la psychologie a totalement changé de prémisses avec le développement de la psychologie du moi qui a soutenu non seulement que la personnalité mettait beaucoup plus de temps à s'établir que la psychanalyse ne le disait, mais qu'en plus le moi pouvait lui-même se transformer.
Cette nouvelle approche a rencontré d'autant plus de succès que la psyché américaine s'est construite sur le mythe très puissant du self-made-man. Ce mythe fondateur, mis en récit par Horatio Alger au XIXe siècle, va irriguer l'industrie du «self-help», l'aide à soi-même, qui est un thème central de la culture économique et morale américaine. Son raisonnement est tautologique: si on est capable de «se prendre en main», cela signifie qu'on est travailleur, industrieux, courageux, qu'on a finalement les qualités morales pour réussir. Et inversement, si on a des qualités morales, on doit réussir.
Quand émerge la psychologie positive à la fin des années 1990, le terrain est donc prêt. En outre, si la psychanalyse s'adressait à des névrosés, la psychologie positive, elle, va élargir son champ et son marché à tout le monde, mentalement bien ou mal portant, en proposant le bonheur comme nouvel horizon du moi.
La promesse est évidemment attrayante, surtout dans une nation qui, comme vous le rappelez, a inscrit le droit au bonheur dans sa Constitution.
L'idée de bonheur est au cœur même du projet de la société libérale. La grande affirmation de Jeremy Bentham, l'un des principaux théoriciens de la philosophie libérale, c'est que le but de la politique consiste à augmenter le bonheur (Bentham disait le plaisir) et à diminuer la souffrance. C'est une façon radicalement nouvelle, qui était progressiste à l'époque, de penser la relation entre gouvernants et gouvernés. Mais alors que dans la philosophie antique, par exemple, le bonheur est lié à la vertu, Bentham opère une disjonction entre les deux, la société libérale refusant de dicter aux gens leur orientation éthique. La psychologie positive est en quelque sorte un stade avancé de ce projet; je dirai qu'elle exprime une philosophie publique «néolibérale». Car, chez Bentham, il s'agissait d'augmenter le niveau de bien-être collectif.
Tandis que la psychologie positive va mettre l'accent sur l'individu. Elle utilise la notion de «responsabilité» pour opérer une distinction qualitative entre ceux qui ont la capacité de s'élever au-dessus de leur misère ordinaire et ceux qui en restent prisonniers. Dans cette pensée, le malheur et la pauvreté deviennent une question d'échec psychique, et le bonheur ou la réussite une disposition intérieure du moi sur laquelle les circonstances extérieures auraient une influence minime. C'est pour cela qu'il y a une telle affinité élective entre le néolibéralisme et la psychologie positive. Cela permet d'oblitérer les facteurs sociaux objectifs et de faire peser sur l'individu l'entière responsabilité de sa situation. Les implications politiques sont évidentes: il devient parfaitement inutile de s'efforcer de réduire les inégalités.
©Patric Sandri pour "L'Obs"
Le 12 juin dernier, Emmanuel Macron, par le biais d'une vidéo, créait la polémique en déclarant: «On met un pognon de dingue dans les minima sociaux, et les gens, ils sont quand même pauvres, on n'en sort pas.» Et il ajoutait qu'ainsi «on déresponsabilise».
Le président illustre mon propos! La responsabilité, dans le vocabulaire moral et juridique traditionnel, c'est la capacité d'assumer le rôle qu'on a pu jouer dans une faute. Or, le néolibéralisme prône le retrait de l'Etat et la responsabilisation des individus pour qu'ils se prennent en charge: on nage ici en plein thatchérisme. Margaret Thatcher ne disait-elle pas qu'il n'y avait pas de société mais seulement des individus? En ce sens, la poursuite du bonheur, telle que la conçoivent les apôtres de la psychologie positive, n'est finalement rien d'autre que la servante des valeurs individualistes imposées par la révolution culturelle néolibérale.
"La psychologie positive est une philosophie de l'oubli"
Revenons à la genèse de la psychologie positive. Comment s'élabore cette nouvelle «science du bonheur»?
Dans les couloirs de l'université. Martin Seligman en est le principal fondateur. Professeur et chercheur à l'université de Pennsylvanie, Seligman s'est d'abord fait connaître par ses travaux sur «l'impuissance apprise» (learned helplessness). Il avait par exemple montré que, pour deux groupes de sujets soumis à un bruit très strident, dont l'un avait la possibilité de l'arrêter et l'autre pas, le groupe qui s'était trouvé dans l'impossibilité de faire cesser le bruit n'y parvenait pas davantage quand on renouvelait l'expérience en offrant pourtant cette fois l'accès à un interrupteur. Seligman montrait ainsi qu'on peut très vite apprendre le sentiment d'impuissance.
S'il avait eu juste un brin de marxisme en lui, Seligman aurait pu avoir la bonne idée de se servir de cette observation pour étudier comment les classes sociales défavorisées apprennent très tôt le sentiment d'impuissance, c'est-à-dire comment la vulnérabilité devient paralysie, et comment, peut-être, ce sentiment peut se désapprendre. Mais ce n'est pas du tout la direction qu'il a prise. Il s'est en effet aperçu que dans le deuxième groupe, si la plupart des individus avaient appris l'impuissance, un tout petit nombre s'était en revanche entêté à arrêter le bruit et y était parvenu. Il s'est concentré sur ces quelques personnes et a commencé à échafauder l'idée qu'elles avaient des ressources potentiellement reproductibles. Dès lors, Seligman a affirmé que la psychologie avait jusque-là fait fausse route en se polarisant sur la misère humaine, les pathologies et les victimes, et qu'il fallait au contraire se focaliser sur tout ce qui est positif en nous afin de développer notre potentiel.
Ce qui n'est à première vue pas dénué d'intérêt, voire de bonnes intentions, si l'on définit correctement le but d'une telle recherche.
Bien sûr, je peux comprendre son désir, mais Seligman a mis sa théorie au service du pouvoir: les grandes entreprises et l'armée. En 1998, Seligman s'est fait élire président de l'Association américaine de Psychologie (APA) et a annoncé son projet de créer un nouveau champ de recherche indépendant: une «science se fixant pour tâche première la compréhension de ce qui fait que la vie mérite d'être vécue», capable d'offrir les clés psychologiques de l'épanouissement personnel et à même d'être diffusée partout à travers le monde. Rien de moins.
Les chèques de fondations ne sollicitant que des «winners» commencèrent aussitôt à pleuvoir. Dès l'année 2001, la Fondation John-Templeton, une institution religieuse ultra-conservatrice, versait 2,2 millions de dollars pour aider à la création du Centre de Psychologie positive et de formations diplômantes, au sein même de l'université. En 2009, elle signera à nouveau un chèque de 5,8 millions pour un programme consacré à «l'exploration du rôle du bonheur et de la spiritualité dans une existence réussie».
Suivirent les financements de multinationales comme Coca-Cola, qui y voyaient l'occasion de découvrir des méthodes pour augmenter la productivité et l'implication des salariés dans la culture d'entreprise. Car si, comme le promet la psychologie positive, on peut augmenter le bien-être des salariés par des techniques qui les obligent à travailler sur eux-mêmes sans rien changer de fondamental dans la structure de l'entreprise et du pouvoir, aussi vertical et autoritaire soit-il, alors les bénéfices sont immenses. Le dirigeant va même augmenter son pouvoir, puisque le plus grand pouvoir qu'on puisse exercer sur quelqu'un c'est de lui procurer du plaisir.
Cela correspond parfaitement au projet de gouvernement néolibéral soft qui promet le plaisir, et en procure même peut-être, en donnant aux individus le sentiment qu'ils sont à la fois libres, responsabilisés et capables d'augmenter la maîtrise de leur vie. Et d'ailleurs, plus nous vivons dans un monde littéralement immaîtrisable, où la responsabilité des dirigeants devient extrêmement diffuse, plus la responsabilisation des citoyens ordinaires et des travailleurs devient exigeante.
Vous disiez que l'armée américaine avait également été intéressée par le projet de Seligman. Comment?
C'est sans doute l'exemple le plus parlant. L'armée lui a alloué 145 millions de dollars pour développer le programme Comprehensive Soldier Fitness («remise en forme totale du soldat»), afin d'entraîner les militaires à combattre le stress post-traumatique et d'améliorer le moral des troupes. On a spontanément envie de dire: «Pourquoi pas?» Le problème, c'est que rendre une psyché résiliente, si cela marche trop bien, c'est le genre de ressource qui vous rend imperméable à votre propre souffrance et à celle que vous infligez aux autres. La psychologie positive fonctionne en effet comme un écran entre notre réaction psychique et la cause de celle-ci, puisqu'elle professe que la cause est sans intérêt et que seule compte notre volonté de nous en sortir. C'est vraiment une philosophie de l'oubli.
"La pensée positive rend la souffrance proprement inintelligible"
Quelles sont les conséquences sociales et morales d'une telle idéologie?
L'impératif du bonheur instaure d'abord une nouvelle hiérarchie émotionnelle entre les gens heureux ou de bonne humeur et ceux qui ne le sont pas ou se plaignent. Chacun d'ailleurs commence à interpréter chez les autres et chez soi-même le fait de se sentir mal comme une faiblesse, une incapacité à être ce qu'on devrait être - fort et positif.
Alors que pour les romantiques, par exemple, le mal-être donnait du prestige; longtemps, chez les artistes, la souffrance était supposée être synonyme de créativité, de lucidité, d'esprit. Nous sommes donc les témoins d'un changement profond dans ce qui constitue ce type de capital émotionnel et symbolique: ce n'est plus la sensibilité en tant que marque d'une intelligence supérieure qui compte, mais l'adaptabilité, la flexibilité, la capacité de rebondir et de ne rien attendre des autres, en particulier ni de votre employeur ni de l'Etat.
Cette inversion hiérarchique est très visible dans les livres de développement personnel où l'on vante, pour réussir, la «cheerfulness», c'est-à-dire le fait de projeter de la bonne humeur et la capacité d'entraîner les autres par son propre enthousiasme. Dans l'entreprise, cela a pour conséquence de privilégier un type de personnalité supposé amener une plus grande productivité ainsi qu'une plus grande capacité à diriger.
En somme, l'entreprise élimine «les gens à problèmes».
Oui, mais quand vous y pensez, éliminer les gens à problèmes, c'est aussi une façon plus subtile d'éliminer les gens de classes sociales défavorisées, davantage susceptibles d'avoir vécu des difficultés objectives.
Un autre effet de cette pensée est de changer radicalement le rôle de la souffrance dans la construction de soi. Alors que les sagesses orientales ou occidentales étaient des façons de vivre et d'accepter la souffrance comme faisant partie du processus d'apprentissage de l'existence, la pensée positive rend la souffrance proprement inintelligible, parce qu'étrangère et même ennemie de la psyché bonne. Elle est ainsi vécue comme un motif de culpabilité. Ce qui suscite un méta-sentiment très fort chez l'individu: non seulement il souffre, mais il a honte de souffrir.
En juin dernier, à quelques jours d'intervalle, deux célébrités new-yorkaises, la styliste Kate Spade et le chef Anthony Bourdain, se sont donné la mort. Les gens ont été extrêmement choqués par ces suicides, parce qu'aujourd'hui on pense automatiquement «succès égale bonheur»: on oblitère la dimension tragique propre à toute vie humaine.
Qu'est-ce, au fond, qu'un individu heureux, suivant cette idéologie du bonheur?
Pour Seligman, c'est celui qui arrive à transformer l'adversité, la souffrance ou tout événement traumatisant (viol, guerre, attentat…) en occasion de se développer et de travailler ses muscles psychiques. Un peu comme si on disait qu'un corps modèle est celui qui après un accident doit pouvoir faire chaque jour une course de 10 kilomètres.
En vérité, la psychologie positive est une science de charlatans qui veut faire de nous des Pangloss, c'est-à-dire des gens qui arrivent à interpréter tous les malheurs en occasions et signes que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le Pangloss de Voltaire était un représentant du clergé. Les psychologues positifs, eux, sont les défenseurs d'une nouvelle théodicée laïque qui nous enseigne que ce que nous vivons comme souffrance n'est que l'expression de notre insuffisance morale et cognitive, et qu'il faut donc y travailler.
"La souffrance était une source de prise de conscience collective immense"
Comment, d'un point de vue politique, est-il encore possible de concevoir une révolution avec des citoyens qui ne pensent plus bien collectif mais recherche du bonheur individuel, des «happycondriaques anxieusement focalisés sur leurs moi respectifs», dites-vous ?
La révolution est devenue proprement impensable. Dans la mesure où les individus se convainquent que leur destin est simple affaire d'effort personnel et de résilience, c'est la construction collective même d'un changement sociopolitique qui se trouve compromise. A cet égard, il est clair que la psychologie positive vise à nous faire accepter les principes du monde néolibéral. Si la religion demande un travail constant pour arracher les péchés de soi, la psychologie positive, elle, exige un travail harassant pour se défaire des pensées négatives. Et par là, elle crée de l'obéissance.
Il y a un lien, me semble-t-il, entre cette psychologisation et cette privatisation des problèmes et la disparition des grandes visions politiques, notamment l'absence de renouveau de la pensée progressiste de gauche depuis les années 1970-1980. A quel point la causalité est-elle forte? Je ne saurais le dire. Mais la psychologie positive a bien eu pour effet immédiat de créer un néolibéralisme de la souffrance: au lieu de parler de la souffrance collective, la psychologie privatise la souffrance en vous en rendant seul propriétaire, avec des droits d'auteur qui plus est.
Or la souffrance était une source de prise de conscience collective immense. C'est comme cela que des groupes marchaient ensemble. La solidarité est fondée sur le sentiment que ce que je vis est aussi le lot d'autres personnes. Le féminisme, par exemple, a commencé à pouvoir transformer l'expérience émotionnelle des femmes en forces politiques quand sont nés dans les années 1960 aux Etats-Unis les «consciousness-raising groups», des groupes où les femmes partageaient leurs histoires et prenaient conscience qu'elles subissaient un sort commun. D'ailleurs, l'écrivaine féministe Betty Friedan, dans «la Femme mystifiée», avait dénoncé les psychologues qui accusaient de névroses les femmes souffrant de leur condition.
Ce défaut de solidarité propre à nos sociétés néolibérales pourrait-il expliquer qu'on assiste aujourd'hui à des phénomènes de révolte plutôt qu'à de vrais mouvements révolutionnaires?
L'hypothèse est intéressante. On pourrait imaginer qu'en l'absence de capacité à théoriser la souffrance, à lui donner un nom, celle-ci se manifeste de façon non réfléchie, avec un côté bombe humaine. Dans le monde du travail, on parle des burn-out, qui sont le résultat d'une culture de la performance où c'est la psyché elle-même qui est sommée d'être performante et sans arrêt améliorée. Comme si le moi devenait une marchandise à jeter et à recréer constamment pour être «up-gradée». C'est une logique parfaitement adaptée à celle du marché, reposant sur le principe de la destruction qui permet de consommer à nouveau. Seulement, ce travail permanent sur soi est ironiquement antithétique avec la possibilité d'être heureux.
Herbert Simon, le prix Nobel d'économie 1978, avait parlé de «satisficing» pour signifier le seuil de satisfaction d'une personne. Et souvent, en effet, le bonheur tient à la capacité de se contenter du «good enough», de ce qui est suffisamment bien. La maximisation à laquelle invite la psychologie positive entraîne avec elle sa propre tyrannie: elle place l'individu en position d'instabilité et de perpétuelle insatisfaction.
Une dernière question. Vous venez de passer l'été à Jérusalem. Comment observez-vous le changement législatif faisant d'Israël l'Etat-nation du peuple juif ?
L'Israël d'aujourd'hui, c'est la France de la IIIe République, qui était passionnément politique, et intensément divisée entre ceux qui croyaient à la mystique du sang et de la terre et ceux qui défendaient l'universalisme et les droits de l'homme. Israël est divisé entre ceux qui croient au sang juif et à l'annexion légitime des territoires occupés et les héritiers du vieux sionisme social-démocrate. La grande différence cependant, c'est que malheureusement en Israël le camp qui croit à la mystique de la nation a gagné.
Propos recueillis par Marie Lemonnier
Eva Illouz, bio express
Directrice d'études à l'EHESS (Paris), Eva Illouz enseigne aussi la sociologie à l'université hébraïque de Jérusalem. Ses travaux portent sur la marchandisation des émotions et le «capitalisme affectif». Elle est l'auteur de plusieurs essais traduits dans de nombreuses langues, dont «les Sentiments du capitalisme» (Seuil, 2006) et «Pourquoi l'amour fait mal» (2012). Elle publie aujourd'hui, avec Edgar Cabanas, «Happycratie», aux éditions Premier Parallèle.
Paru dans "L'OBS" du 23 août 2018.