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25 septembre 2015 5 25 /09 /septembre /2015 08:34

Un article qui date de l'an dernier mais toujours d'actualité.

Révolution 16/10/2014 à 11h15

En passant par Amazon, votre premier roman a une chance de cartonner

Claire Richard | Journaliste

En France, un tiers des meilleures ventes sur la plateforme Kindle sont des auteurs autopubliés, devant Trierweiler ou Carrère. Qui sont ces nouveaux phénomènes de l’édition ?

Le Danbo d’Amazon, près d’un Kindle (Zaho ! /Flickr/CC)

Vous n’avez jamais entendu parler d’elle, mais ces jours-ci, elle vend plus d’eBooks sur Amazon que Valérie Trierweiler, Patrick Modiano ou Emmanuel Carrère.

Sur Kindle, la plateforme de livres numériques d’Amazon.fr, « Mémé dans les Orties », le premier roman d’Aurélie Valognes, figure dans les dix ouvrages les mieux vendus en France, loin devant les livres d’auteurs pourtant bien plus connus qu’elle.

« Mémé dans les Orties » est, selon son auteure, « un feel good roman » (comme on parle d’un « feel good movie ») : il met en scène les tribulations d’un vieillard bougon ragaillardi par ses voisins, une fillette de 10 ans et une grand-mère ultra-geek. Aurélie Valognes raconte, d’une voix joyeuse et précipitée, la genèse de son roman :

« C’était un rêve depuis très longtemps. L’année dernière, j’ai déménagé à Milan. Je n’avais pas de travail et j’ai profité de cette période pour écrire mon premier roman. C’est sorti tout seul, je l’ai fini en quelques mois. En juillet, je me suis dit : “Bon, maintenant, qu’est-ce que je fais de ce document Word ?” »

Couverture vichy fait maison

C’est d’abord la rapidité du processus d’autoédition qui la séduit.

« J’ai pensé à l’envoyer aux maisons d’éditions traditionnelles, mais il allait falloir attendre six mois, pour une réponse probablement négative... Et mon roman est léger, divertissant : l’été était la période idéale pour le lire. »

« Mémé dans les orties » de Aurélie Valognes

La jeune femme se tourne alors vers la plateforme Kindle d’Amazon. Le processus de mise en ligne est très rapide, et la jeune femme fait tout elle-même, du design de la couverture (un fond vichy rouge pour bien se « démarquer sur la page blanche »), au choix du prix.

« Là, j’ai fait beaucoup de recherches. J’ai choisi 2,99 euros par livre, parce que c’est le prix le plus bas proposé par Amazon pour pouvoir, en tant qu’auteur, toucher 70% des revenus des ventes.

C’est le “business model” qui fonctionne le mieux. Et ça me faisait un peu mal au cœur de le mettre à moins d’1 euro. Ça n’est pas encore ancré dans les têtes des lecteurs, qu’un livre puisse coûter moins de 1 euro. »

Elle indexe son roman dans la catégorie « humour ». Et attend de voir ce qui se passe.

« Ça a été lent au début. Puis au bout de trois semaines, ça s’est emballé. Je suis entrée dans le top 100 des eBooks en août. »

Un Mooc pour apprendre à écrire

Très vite, elle prend goût à l’adrénaline de pouvoir regarder les statistiques des ventes de ses romans en direct.

« Parfois ça se met à monter très vite ! Grâce au bouche-à-oreille. Quelqu’un qui a aimé, qui le conseille à sa famille, à ses amis... »

Ce mercredi 15 octobre, « Mémé dans les orties » a déjà été vendu, selon son auteure, à 8 500 exemplaires (un premier roman imprimé se vend en moyenne entre 500 et 800 exemplaires).

Marilyse Trécourt vient pour sa part de publier « Au-delà des apparences » avec Librinova (une plateforme d’autoédition qui propose aux auteurs de publier leurs livres pour 50 euros). C’est « un roman avec des sentiments, de la psychologie, et une pointe de surnaturel », qu’elle a mis en ligne le 2 août et qui s’est déjà vendu à 800 exemplaires.

Après avoir remporté plusieurs concours de nouvelles, qui l’ont encouragée à écrire, elle suit un Mooc (un cours universitaire en ligne) intitulé « Rédiger une œuvre de fiction » et s’inscrit à un concours pour publier un roman en ligne.

« J’ai écrit mon roman en quatre mois. J’ai gagné et c’est comme ça que je me suis retrouvée sur Librinova. La question de l’autoédition ne s’est même pas posée : ça s’est fait tout seul. »

Accro aux stats de vente

Elle aussi a tout fait seule, du choix de la couverture à la correction orthographique (« j’ai pu utiliser un logiciel à mon bureau, heureusement ! »). Comme Aurélie Valognes, Marilyse Trécourt est devenue accro à ses statistiques de vente. Elle reconnaît en riant :

« Oui je regarde tous les jours ! Au début je me disais “le jour où j’en aurai vendu 120, ce sera un miracle”. Et là, plus de 800, c’est fou ! Je pense que ça ne serait pas arrivé s’il avait été en papier. Ç’aurait été juste un livre parmi d’autres. »

Les deux auteures soulignent un autre point : le contact direct et rapide avec les lecteurs, et la gratification de savoir que des inconnus aiment leur travail.

« J’ai mis mon adresse e-mail à la fin du livre. Et quand je reçois un message de quelqu’un qui a adoré, c’est vraiment fantastique », dit Aurélie Valognes.

Entre 25% et 30% des auteurs de Kindle qui se vendent le mieux sur Amazon en France n’ont pas d’éditeurs et se sont autopubliés. C’est ce qu’a annoncé Marie-Pierre Sangouard, d’Amazon France, lors d’une rencontre au Labo de l’édition – une structure parisienne créée par la Ville de Paris pour « accompagner les acteurs traditionnels dans leur adaptation aux enjeux du numérique ».

Auteur à part entière

Il y a peu d’études sur l’autoédition en France. L’une d’entre elle a été menée en 2013 par l’entreprise Books on Demand, une plateforme d’autoédition, sur 2 000 auteurs autoédités.

  • pour 86,3% des auteurs interrogés, l’autoédition était la seule possibilité de publier un ouvrage, leurs livres ayant été refusés par les maisons d’édition ;
  • pour 42% des auteurs néanmoins, c’est aussi un choix délibéré vis-à-vis des maisons d’édition traditionnelles (35,3% d’entre eux ont déjà publié avec des éditeurs traditionnels) ;
  • les auteurs se tournent vers l’autoédition pour la simplicité d’usage (73,7%), la liberté qu’ils gardent vis-à-vis de leur contenu (68,4%), le plaisir (47,9%) et le contrôle des droits d’auteurs (47,4%).

Pour autant, la légitimité n’est pas encore la même : seul un auteur autoédité sur deux (53,7%) se considère comme un auteur à part entière.

Thriller, érotique et science-fiction

« Aux Etats-Unis, le phénomène est plus ancien, mais en France ça explose vraiment depuis deux ans, et ça continue d’augmenter. »

C’est ce qu’explique Charlotte Allibert, qui a longtemps travaillé dans l’édition numérique avant se tourner vers l’autoédition et de cofonder Librinova.

Du côté du Labo de l’édition, Nicolas Rodelet dresse un parallèle avec le secteur de la musique :

« Il y a déjà beaucoup de producteurs indépendants, sur YouTube par exemple. »

Charlotte Allibert explique que l’autoédition concerne surtout certains genres :

« C’est surtout de la “littérature de genre” : des romances, du thriller, un peu d’érotique, de la science-fiction qui marche le mieux. On a aussi de la littérature sentimentale et pas mal de témoignages. »

Repéré par Michel Lafon

En ce sens, l’autoédition semble plutôt compléter que concurrencer l’édition traditionnelle. Plutôt que de penser l’autoédition et l’édition traditionnelle comme deux ennemis, la vieille garde contre la jeune garde, les barbares contre les puristes, il faut plutôt les voir comme deux éléments d’un grand écosystème, entre lesquels existent des passerelles et des tremplins.

L’autoédition permet aux éditeurs traditionnels de repérer des talents et de voir en temps réel ce que les lecteurs veulent lire. Beaucoup d’éditeurs guettent de près le succès des eBooks et proposent des publications aux auteurs autoédités qui se vendent le mieux.

C’est notamment le cas de « Les gens heureux lisent et boivent du café », un livre numérique autoédité en 2012 par Agnès Martin-Lugand. En mois de trois mois, il se vend à plus de 8 500 exemplaires et est repéré par Michel Lafon. Il s’est aujourd’hui vendu à plus de 100 000 exemplaires et a été traduit dans vingt pays.

Aurélie Valognes, pour sa part, a rapidement été contactée par des éditeurs espagnols qui voulaient acheter les droits, ce qui l’a encouragée à présenter son manuscrit à de grosses maisons.

« Certains très grands m’ont recontactée, et m’ont dit qu’ils étaient intéressés. Voir que le livre s’est déjà vendu les rassure. »

« Il faudrait enlever ce chapitre »

Aujourd’hui, elle hésite entre « deux grosses maisons » qui se disputent la publication de son roman. Ce qui la séduit le plus, dans l’édition traditionnelle, c’est de travailler... avec un éditeur, quelqu’un qui l’aide à améliorer son texte.

« Un éditeur m’a dit “j’aime beaucoup le livre, mais il faudrait pouvoir entrer plus vite dans l’histoire, enlever ce chapitre, par exemple”. Ça c’est génial, de n’être plus tout seul devant son livre. »

Abandonnera-t-elle l’autoédition pour son deuxième roman ?

« Je reste attachée à Amazon. Je viens de l’autoédition et je ne veux pas lui tourner le dos, comme si j’en avais honte. Et j’aime la proximité qu’on peut avoir avec les lecteurs. Mais j’aime aussi être accompagnée, avoir ce soutien, ce dialogue avec un éditeur. La question reste ouverte... »

Pour Marilyse Trécourt, le but ultime reste quand même d’être éditée par une grande maison.

« La finalité, c’est le format papier. Je l’ai envoyé à six grandes maisons, j’attends des réponses. »

Mais en attendant, elle a d’ores et déjà autoédité un recueil de nouvelles.

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