Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 mars 2015 2 24 /03 /mars /2015 11:56

Je vous propose de découvrir les secrets d'écriture de Jean-Christophe Rufin. Ce qui me frappe particulièrement est le bonheur qu'il prend à écrire et le fait qu'il ne rature pas du tout !

Une exception ?

 

"J'aime écrire vite, pour rester dans le mouvement. Il y a une sorte de grâce que l'on peut percevoir quand on écrit, qui est tout à fait agréable. Je n'ai jamais souffert de la page blanche, j'apprécie vraiment d'être dans l'acte d'écriture. Et j'essaye de me faire dans une forme mozartienne, où les couleurs sont vives et le bonheur, j'espère, contagieux. Si vous vous ennuyez en écrivant, alors vous allez ennuyez les autres. Donc, je n'écris que deux par jour seulement, mais j'écris intensément.
J'ai besoin de calme. Le silence est important pour moi, d'autant que je n'aime pas trop la musique. Et j'aime accompagner l'écriture de beaucoup de sport. A la montagne, il me faut pouvoir prendre mes skis, mon vélo, pour m'aérer après avoir écrit.
C'est totalement ringard ce que j'ai dire, mais j'ai besoin de bien-être. De me sentir bien dans ma peau quand j'écris. Je ne peux pas m'y mettre quand je suis malade, ou quand je suis malheureuse... Le côté écrivain maudit, très peu pour moi ! Non, j'ai besoin de santé, de sport, de pouvoir organiser ma vie comme je le veux. C'est une liberté extraordinaire dont je n'ai pas pu bénéficier pendant longtemps. J'écris tout d'un jet, sans aucune rature, puis je recopie le texte à l'ordinateur et corrige directement sur le fichier. Mais je corrige très peu.
J'aime bien l'idée de "faire ses pages" dans la journée. Pendant longtemps, j'ai organisé mes chapitres en deux fois six feuillets, ce  qui me permettait d'aller déjeuner pendant leur rédaction, mais surtout d'organiser mon temps, de ne pas me disperser. Je suis moins obsédé par la structure aujourd'hui, mais j'ai gardé ce goût pour un récit un peu feuilletonesque.
Deux choses m'inspirent en premier quand je commence un livre : une scène et une couleur. La couleur impose un ton, un style. C'est une clé de sol qui unifie le livre. celui-là devait être gris-blanc, pour un autre, il est plutôt doré. Pour moi, tout passe d'abord par le visuel.
Je ne crois pas que la littérature soit une question de travail. Le travail appartient à un autre univers pour moi, qui est celui de la vie sociale. Je n'ai jamais eu l'impression de travailler pour écrire. Ce qui fait vraiment la différence, c'est le vécu -pas forcément ce qu'on a vécu mais aussi la manière dont on l'a vécu. Ce la tient à notre capacité à nous en imprégner. On peut observer de façon formidable des choses qui sont extrêmement banales. Annie Ernaux le fait très bien par exemple, mais cela revient quand même à une façon de travailler sur le vécu. C'est ce que je valorise le plus. Le fait d'aller voir de près son époque, d'aller la contempler dans l'action, c'est important. C'est la conception antique de Cicéron, selon laquelle la pensée ne peut découler que de l'action, de l'engagement au plus près de son époque.

L'écriture m'a servi à être heureux. J'ai connu une forme de bonheur dans la vie avec cette activité. Il y a des écrivains qui aiment écrire et d'autres qui aiment avoir écrit. Moi, j'aime écrire. Je viens de finir un livre, et c'est presque un déchirement de l'avoir achevé, de quitter cette séquence de bonheur. J'ai eu la chance de rencontrer un public, de voir mes livres se vendre. Mais c'est un piège aussi, dans la mesure où quand on écrit sur la vie, si on vit de l'écriture, on ne vit plus ! Quand j'ai accepté d'être ambassadeur au Sénégal, c'était aussi un moyen pour moi de rester en contact avec la vie."

Propos recueillis par Lire (avril 2015)

Partager cet article
Repost0

commentaires