Vous n'en pouvez plus de voir vos manuscrits refusés, vous rêvez d'être édité ?
Faites-le vous-même ! C'est en substance ce que nous préconisent les interviews ci-dessous, très intéressantes.
INTERVIEW Avec le livre numérique, tous les espoirs sont permis. Voici les conseils de Marie-Pierre Sangouard, directrice des contenus Kindle à Amazon France.
Et si le succès des liseuses pouvait transformer votre (éventuel) talent d'auteur en succès financier ? En juin dernier, Amazon avait révélé dans une interview au New York Times que le cap des 5 millions de Kindle vendus avait été franchi. La société, avare de ses chiffres, n'a pas dévoilé d'autres données financières, mais des cabinets d'analystes et les banques d'affaires le font très bien à sa place. Ainsi, Morgan Stanley a indiqué cette année que le chiffre d'affaires généré par le Kindle devrait s'élever à 4,5 milliards de dollars en 2013, en hausse de 26% par rapport à l'an dernier, et que le chiffre d'affaires lié spécifiquement aux contenus numérique devrait se monter à lui seul à 3,8 milliards de dollars.
De nombreux auteurs aux Etats-Unis ont commencé à surfer sur cette vague. Si E.L. James, selon le magazine Forbes, a pu cumuler 95 millions de dollars des ventes de son livre 50 shades of Grey, c'est bien sûr grâce aux ventes de l'édition papier, mais c'est bien l'édition numérique qui a rendu ce succès possible : les lectrice n'étaient pas embarrassées de lire discrètement ce roman érotique dans les transports en commun... Amanda Hocking, David Forrest, Agnès Martin-Lugand... Aujourd'hui, on ne compte plus les auteurs qui ont fait fortune ou qui se sont fait connaître via l'édition électronique. Et vous ? Voici les conseils de Marie-Pierre Sangouard, directrice des contenus Kindle à Amazon France, pour suivre leurs traces.
Comment faire fortune avec le Kindle ?
Il n'y a pas de règles ou de procédures à suivre pour faire fortune grâce à KDP (la plate-forme d'auto-édition d'Amazon, NDLR), même si de nombreux auteurs peuvent se prévaloir de tirer des revenus conséquents de notre plate-forme. Je peux citer par exemple le cas d'Agnès Martin-Lugand, qui avait arrêté de travailler après avoir suivi son mari à Rouen. Elle a alors écrit un livre de 400 pages qui a été refusé par tous les éditeurs. Mais elle a fait appel aux conseils de Laurent Bettoni, qui tient un blog sur l'auto-édition, qui lui a conseillé de réduire le nombre de pages à 250, et l'a aidée à le mettre en ligne sur notre plate-forme, où il a connu un grand succès.
C'est-à-dire ? Combien d'exemplaires ?
Je ne peux pas vous le dire, il faudra le lui demander en direct (Agnès Martin-Lugand nous a indiqué avoir vendu 8.500 exemplaires en 2 mois, voir diaporama ci-dessous, NDLR)
Concrètement, quelles sont les étapes pour auto-publier un livre sur votre plate-forme ?
Il y a quatre étapes, en fait : il faut d'abord se rendre sur le site KDP et s'identifier ou créer un compte. La seconde étape consiste à donner les informations de base concernant le livre : le titre, le nom de l'auteur, son genre : romance, science-fiction… Ensuite, uploader (télécharger NDLR) le fichier sous un format comme Word, par exemple, après avoir soigné l'édition du livre: les lecteurs sont très sensibles à la forme, à l'orthographe, à l'aspect visuel du texte. Troisième étape, choisir les pays dans lesquels on souhaite que le livre soit accessible, et, enfin, choisir le prix de vente et le système de "royautés" (pourcentage sur les ventes, NDLR). L'auteur encaisse généralement de 70% du prix de vente public hors taxe, mais le pourcentage peut passer à 35%, notamment quand le prix de vente est inférieur à 2,60 euros ou supérieur à 9,70 euros.
Quels sont les auteurs français non-publiés jusque là par les voies classiques et qui ont connu le succès grâce au Kindle ?
On peut citer par exemple Jacques Vandroux : en fait, c'est un pseudonyme, "Jacques Vandroux" est un binôme! Chez les Vandroux, Olivier écrit, et Simone s'occupe de l'édition et de la gestion. Ils ont publié chez nous 3 ou 4 livres, qui ont très bien marché, on peut citer par exemple "Les pierres couchées" ou "Au coeur du solstice", qui sont dans le Top 100 des ventes des catégories "littérature" ou "policiers". Je peux citer également Chris Costantini, Laurent Bettoni, David Forrest… Hors de France, on peut citer E.L. James, l'auteur de "50 shades of grey", qui a d'abord connu le succès sur KDP, ou encore Andrea Japp, et enfin Amanda Hocking, qui a rejoint le club du "1 million d'exemplaires KDP".
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui veulent connaître le succès grâce à votre plate-forme ?
Je leur conseillerais de penser à utiliser les outils que nous mettons à leur disposition ! Par exemple, un outil leur permet de relier la page où leur livre est vendu sur Amazon, à leur page Facebook ou à leur compte Twitter. Ils doivent également tirer profit du contact direct avec les lecteurs, et ne pas le craindre : un auteur avait voulu faire supprimer un commentaire négatif. Nous lui avons expliqué que d'une part nous ne pouvions accéder à sa demande, et d'autre part que ces commentaires sans concession pouvaient lui être utiles, ce qu'il a compris, en fait. Les auteurs ont aussi intérêt à s'adjoindre les services d'un agent: ça se fait beaucoup aux Etats-Unis, mais en France, les auteurs préfèrent s'en remettre entièrement à leur éditeur. Par ailleurs, bien utiliser les outils promotionnels est très utile. Par exemple, on peut accepter une baisse de prix ponctuelle sur le prix de vente, à 0,99 euro, par exemple : cela peut placer un bon livre en tête des ventes pendant quelques temps, ce qui suffit à attirer l'attention sur lui et à augmenter les ventes lorsqu'il revient à son prix normal. Enfin, faire preuve d'originalité dans la démarche commerciale peut être payant : par exemple, Didier Imbot, qui est par ailleurs agent littéraire, a eu l'idée de récupérer les droits de romans oubliés, qu'il a réédités sous KDP, et qui ont très bien marché, comme des romans de la série Le Celte, ou des romans anciens de Philippe Bouvin ou Alexis Lecaye.
Et pour les conseils qui concernent la conception même de leur ouvrage ?
D'abord, s'ils recherchent avant tout le succès commercial, les auteurs peuvent "cibler" les deux catégories qui marchent le mieux : le roman policier, et la romance. Ensuite, au niveau du prix, disons qu'il minimisent les risques s'ils le fixent aux alentours de 2,99 euros. La forme est très, très importante : les lecteurs n'aiment ni les fautes d'orthographe, ni les incohérences de mise en page.
Quand dit-on d'un auteur qu'il fait de bonnes ventes, sur KDP ?
Dans l'édition classique, on dit souvent qu'atteindre 1.000 exemplaires pour un premier roman, c'est un très bon score. Dans l'édition numérique, un très bon score, c'est lorsque les ventes atteignent 1.500 ou 2.000 exemplaires. Mais bien sûr, les prix ne sont pas les mêmes...
Oui, justement : des livres à 0,99 euro, 2,99 euros… Même si vous leur laissez 70% de cette somme, est-ce que les auteurs s'y retrouvent ?
Il vaut mieux encaisser 2 euros sur un prix de vente de 2,99 euros, que recevoir 10%, c'est-à-dire 1,49 euro, sur un prix de vente de 14,90 euros...
Propos recueillis par Laurent Calixte
Bonus :
Les 5 conseils de Nicolas Kapler, auteur de "booster ses ventes sur Kindle"
Sur son blog, Nicolas Kapler, spécialiste de l'autoédition, donne les 5 conseils suivants, afin que les écrivains "numériques" puissent maximiser leurs ventes en prenant en compte quelques paramètres.
1. Les textes longs vendent davantage
Les livres dans le top 100 des meilleures ventes de SmashWord contiennent en moyenne 115 000 mots. L’analyse des tranches suivantes du classement montre que plus un livre est court, moins ses ventes sont bonnes. Les livres en position 100 000 à 105 000 par exemple, comptent 32 000 mots en moyenne, près de quatre fois moins que ceux du top 100. (...)
2. Les livres avec un titre court se vendent légèrement mieux
Les titres du top 100 de SmashWords contiennent en moyenne 4.2 mots, contre 5.7 pour ceux occupant les positions 1000 à 2000, et 6 pour les livres en positions 100 000 à 101 000. (...)
3. 2,99€ est le prix de vente le plus fréquent
La plupart des livres sont vendus 2,99€ ou moins. 2,99€ est le prix le plus souvent choisi cette année, alors que c’était 0,99€ l’année précédente. (...)
4. Les livres les moins chers ne sont pas forcément les plus vendus
Contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer, les livres à 1 ou 2$ ne sont pas les plus vendus.(...)
5. 1,99€ à éviter absolument, 3,99€ le prix le plus rentable
Les livres étiquetés entre 1€ et 1,99e se sont vendus en moyenne deux fois moins que les titres à 0,99€ et que les titres à 2,99€ ou 3,99€. Les livres à 1,99€ ont rapporté à leurs auteurs 67% de moins que la moyenne de n’importe quelle autre prix. (...)
INTERVIEW :
Alice Quinn (pseudonyme) a dépassé les 10.000 exemplaires cet été pour Un palace en enfer, et en vend actuellement 2.000 par mois.
En quoi le Kindle a-t-il changé votre vie, notamment d'un point de vue financier?
Pour quelqu'un qui écrit pour la jeunesse depuis une quinzaine d'années, publier en numérique m'a donné le sentiment de maîtriser mon destin d'auteur. Complètement. Pour la première fois, j'ai pu décider moi-même de la couverture de mon livre, de la description (ce qui correspond à la quatrième de couverture), du choix du prix, des journées de promo, etc. J'ai choisi mon titre, et même mon nom d'auteur, puisque j'ai pris un pseudo.
Ce sentiment de liberté est complètement grisant. Euphorique. Je me suis sentie débarrassée de toute relation de sujétion avec mes éditeurs.
Du coup, j'ai monté une petite structure associative d'édition, et j'édite plusieurs livres, pas seulement les miens.
Mais c'est lorsque j'ai décidé de publier un livre qui avait été refusé par plusieurs maisons d'édition, que mon destin a complètement basculé.
Ce livre, Un palace en enfer, est une comédie policière, et c'est un genre qui ne plaît pas beaucoup aux éditeurs français. Les Anglo-Saxons, par contre, en sont friands.
Je pense également que mon héroïne, Rosie Maldonne, petite bonne femme du lumpenprolétariat actuel en France, qui vit dans une caravane, qui trimbale ses mômes partout et qui utilise le système D pour s'en sortir, n'avait pas l'heur de plaire aux éditeurs.
J'ai choisi une couverture, un nouveau titre, j'ai pris un pseudo que j'adore et qui me porte chance, Alice Quinn, et j'ai soigné ma description.
Outre le grand plaisir de voir que mon roman, qui jusque-là restait dans mon tiroir, était enfin accessible pour les lecteurs, je suis allée de bonnes surprises en bonnes surprises. Celles de le voir grimper sans arrêt dans le classement.
Je pense que le succès de ce roman s'explique par le côté résolument positif de l'héroïne, c'est un roman qui donne la pêche aux lecteurs. C'est ce que j'en ai déduit de leurs commentaires. En temps de crise, c'est un excellent remontant pour le moral.
Je l'ai mis sur la plate-forme Amazone le 9 janvier 2013 et le premier mois j'en ai vendu royalement cinq exemplaires. Et c'était pour la plupart à des amis. Mais dès le mois de février, il n'était plus question d'amis, puisqu’il était passé à 250 ventes. Ce qui sous-entend, en langage Kindle amazon, qu'il était entré dans le sacro-saint top100. Mais surtout, non seulement il avait remonté les places sans s'arrêter, mais vers la fin de mois de février Un palace en enfer était à la première place! Il était donc en quelques semaines devenu un Best Seller Kindle France!
Et à partir du mois de mars, j'ai tourné autour des 2000 ventes par mois. Le roman est resté plusieurs mois au top 1. C'était incroyable! Un véritable conte de fées. Jusqu'à présent, j'en vends toujours autour de 2000 par mois, mais je commence un peu à redescendre. Pourtant, je suis encore dans la première page du classement, c'est à dire dans le top 20. Au mois de septembre, c'est la première fois que je suis sortie du top 10!
Le marché du Kindle en France est très très loin de celui des États-Unis, et je me demande si à présent Un palace en enfer n'a pas atteint le maximum des ventes que l'on peut faire sur le Kindle France, quand on est un livre uniquement numérique, c'est-à-dire quand on n'est pas un Best Seller en papier.
Ce qui est formidable pour moi, c'est que bien que le prix peut sembler très bas, 2,99, (avec de temps en temps des promos à 0,99) en réalité le pourcentage que me reverse Amazon qui est de 70 %, est 4 x supérieur environ à ce que je touchais avec les maisons d'édition papier. Mais comme j'en vends beaucoup plus, on peut dire que dans ma vie d'auteur, c'est la première année où je peux vivre de ma plume. Le conte de fées continue. Pour moi, c'est un rêve atteint. Tout ce que je désire est qu'il se poursuive.
Lorsqu'on écrit, le consensus est de dire que les auteurs vivant de leurs plumes sont très rares. Bernard Lahire, sociologue, a écrit à ce propos un très beau livre, qui s'appelle la condition littéraire, la double vie des écrivains, et qui est le fruit de 10 ans d'enquête.
Je pense que dans quelques années, il va devoir faire le rajout d'un chapitre, en prenant en compte maintenant la possibilité des auteurs de s'auto-éditer en numérique, et les conséquences sur leur vie.
Quel conseil donneriez-vous à un écrivain qui veut se lancer dans cette aventure?
Mon premier conseil va aux auteurs déjà édités en papier: ne cédez jamais vos droits numériques à votre éditeur, ou alors pour un temps limité. C'est trop long à expliquer ici, mais croyez-moi sur parole, c'est un très bon conseil. Si vous le suivez, vous me remercierez un jour!
Mon deuxième conseil va aux auto-edités: foncez. Nous sommes à un tournant majeur de l'histoire de l'édition. En France, les règles sont figées depuis longtemps, et pour la première fois, elles bougent, elles vacillent, il faut saisir cette opportunité. Les enjeux sont assez importants pour que les personnes qui avaient jusqu'à présent les rênes, s'organisent pour les garder. Elles vont réussir à le faire, car elles ont des atouts que nous n'avons pas: argent, puissance, logistique. Mais en ce moment, je ne sais pas combien de temps ça va durer, c'est notre temps: le temps des auteurs. Saisissons-le, et utilisons-le le temps que ça durera.")
Eclairage marché
Selon une étude de Xerfi, la taille du marché du livre numérique en France devrait être compris entre 141 et 382 millions en 2015, selon 3 scénarios différents établis par le cabinet d'étude.