Une nouvelle traduction, cette fois en turc de ma "Sultane andalouse".
J'aime beaucoup la plume trempée dans le sang qui fait écho au contenu du roman. Je suis étonnée du choix de la figure féminine, avec sa coiffure et sa tenue plutôt XIXème siècle. Cela fait toujours très plaisir de voir que mes romans voyagent autant!
S'il est un écrivain qui a une écriture efficace, dans un sens cinématographique, c'est bien Stephen King.
Il nous livre sa façon d'appréhender l'écriture d'une scène. Je vous laisse découvrir les détails ci-dessous.
Selon l’auteur américain à succès Stephen King, des descriptions riches en détails permettent aux lecteurs de s’imaginer les scènes précisément.
Le point de rencontre le plus important entre le cinéma et l’écriture de fiction est l’intérêt porté à l’image, celle qui brille dans l’œil et dans la pensée. Un roman rassemble plus que des images : il y a une intrigue, un style, un ton, des pensées, des personnages et d’innombrables autres choses, mais c’est le travail sur l’image qui fait qu’un roman sort de l’ordinaire, qui lui donne vie, qui le fait briller de sa propre lumière.
Les sophismes de la fiction doivent suivre une histoire, cette simple invention de l’homme des cavernes qui captivait son auditoire autour du feu le soir, et lui valait peut-être même un morceau de viande si l’histoire était passionnante. Les premiers royalties de l’écrivain ! Mais une histoire jaillit d’une image : de la richesse d’un espace-temps, d’un lieu et d’une texture. Et dans ce cas, l’écrivain a toujours un temps d’avance sur le réalisateur de film qui doit attendre la météo adéquate, la lumière adéquate, l’objectif adéquat pour tourner.
Les aspirants écrivains rencontrent parfois le problème de ne pas réussir à décrire ce qu’ils imaginent. La plupart du temps, c’est parce qu’ils ne se représentent pas suffisamment ce qu’ils tentent de décrire. Un exemple : un écrivain débutant pourrait écrire « C’était une vieille maison sinistre », tout en sachant que cela ne convient pas mais sans trouver tout à fait pourquoi. Un peu comme cette démangeaison impossible à atteindre au milieu du dos. « C’était une vieille maison sinistre » n’est pas une image, c’est une idée. Les idées n’ont aucun degré émotionnel, elles sont neutres. Un lecteur n’a pas besoin de lire qu’une maison est sinistre, il doit pouvoir s’en rendre compte en lisant la description de cette maison.
L’imagination et la mémoire
S’il est un conseil important à donner aux écrivains qui apprennent l’art de la fiction, c’est que la représentation ne prend pas forme sous la plume de l’écrivain, elle prend forme dans l’esprit du lecteur. Pour mettre en exergue les points qui vous sont les plus importants, vous devez permettre au lecteur de faire de votre esquisse un portrait.
De bonnes descriptions sont donc à l’origine d’une bonne représentation. Comment alors définir les détails à inclure et ceux à exclure ? La réponse est simple, mais difficile à mettre en application : conservez les détails qui vous impressionnent le plus, ceux qui vous paraissent les plus clairs, laissez de côté tout le reste. Nos yeux transmettent des images à notre cerveau. Si nous transmettons des images à nos lecteurs, alors nous devons faire usage d’une sorte de troisième œil : celui de l’imagination et de la mémoire. Les écrivains qui décrivent pauvrement ou pas du tout ne se servent pas de cet œil. D’autres ne l’ouvrent qu’à moitié. Lors de l’écriture d’une scène, je la vois comme ce que je vois ce qui se trouve devant mes yeux, et j’en transmets au travers des descriptions autant que je le juge nécessaire.
Le principe du travail sur l’image, ce n’est pas de créer une scène en donnant tous les éléments (cela vaut pour les photographes, pas pour les écrivains) mais en donnant suffisamment de détails pour inspirer un sentiment. Et l’écrivain doit avoir suffisamment confiance en son sens de la représentation pour savoir s’arrêter quand il le faut. Car comme nous le savons tous, le plaisir de la lecture, qu’aucun film ne peut égaler, c’est le plaisir de visualiser une scène dans son esprit, d’être le seul à l’imaginer de telle manière. Le lecteur a son propre troisième œil ; le travail de l’écrivain est simplement de lui fournir un spectacle.
Visualisez avant d’écrire
Trop d’écrivains en herbe ont le sentiment de devoir assumer tout le travail de représentation, devenant ainsi les yeux du lecteur. Ce n’est pas le cas. Utilisez des verbes vivants, évitez la voix passive, les clichés, soyez précis, élégant, laissez de côté les mots inutiles. La plupart de ces règles, et des centaines d’autres que je ne précise pas, s’installeront d’elles-mêmes si vous tenez deux promesses : la première est de ne pas insulter la vision propre du lecteur la deuxième est de tout visualiser avant d’écrire.
Cette dernière promesse peut vous amener à écrire plus lentement que d’habitude, notamment pour passer des idées (« c’était une vieille maison sinistre ») aux représentations. Quant à la première, elle nécessitera davantage de réécritures minutieuses en cas d’usage excessif de descriptions. Que cela vous plaise ou non, vous devrez couper, et vous concentrer sur l’essentiel.
Imaginons que vous vouliez décrire (et de ce fait en créer une image) une grande ville un jour de pluie, et faire ressentir une atmosphère maussade. Fermez les yeux et tentez désormais de visualiser cette ville, cette pluie, cette atmosphère. Vous avez ouvert les yeux trop vite. Réessayez, 30 secondes, peut-être même une minute. Qu’avez-vous vu ? Une ligne d’horizon ? Des immeubles ? Une vue aérienne ? Le ciel était-il clair ou menaçant ? Avez-vous vu des gens ? Des hommes qui tenaient leur chapeau, penchés en avant, le manteau gonflé par le vent ? Des femmes qui tenaient des parapluies ? Des taxis roulant dans des flaques d’eau ? Ces descriptions sont excellentes, elles sont les témoins d’un travail sur l’image.
Mais maintenant supposons que vous précisiez votre vision, que vous posiez votre regard sur un coin de rue de cette ville grise, pluvieuse et lugubre. Il est 15 heures et il pleut des hallebardes, regardez donc ! Sans compter que nous sommes un lundi, quelle poisse. Fermez les yeux de nouveau, cette fois une minute entière, et visualisez ce qui se passe sur ce coin de rue. Avez-vous vu le bus qui a éclaboussé une passante ? Les visages des gens qui traversent avec indifférence ou cachés derrière leur journal ? La publicité à l’arrière du bus, rendue floue par les gouttes de pluie ? Avez-vous vu l’auvent de la petite épicerie de l’autre côté de la rue, d’où coulaient des filets d’eau de pluie? Avez-vous entendu l’eau jaillir dans les égouts? Et quand les voitures freinaient devant le feu rouge, avez-vous vu la lumière de leurs feux arrières se réfléchir sur le pavé ?
Certaines de ces scènes peut-être, mais certainement pas toutes. Vous avez peut-être vu d’autres scènes, tout aussi intéressantes, peut-être même des bribes d’une possible intrigue dans ces images, un homme qui courrait sous la pluie, qui jetait un œil par-dessus son épaule, ou un enfant en ciré jaune, poussé brutalement dans une voiture, ou peut-être avez-vous juste des images. Mais croyez-le : si vous tenez une image, vous pouvez la coucher sur le papier. Si vous en doutez, essayez d’écrire immédiatement ce que vous venez de voir. Vous connaissez ce sentiment : écrire c’est revivre, et en écrivant, l’image vous sera de plus en plus précise, et belle par sa précision.
Rédigez un paragraphe, Rédigez-en deux. Ensuite créez un personnage qui vivra ce lundi pluvieux. Ou, si un semblant d’intrigue s’est dessiné devant vos yeux, courrez-lui après avant qu’il ne s’efface. Suivez l’homme qui court, ou entrez dans la voiture pour découvrir qui a poussé l’enfant et pourquoi. Vous en avez la capacité si vous ouvrez votre troisième œil complétement.
Un dernier mot : ne vous laissez jamais entièrement transporter par la représentation. Les yeux voient tout, mais l’esprit derrière les yeux doit juger de ce qu’il doit conserver et de ce qu’il doit jeter. Une fois que vous aurez habitué votre troisième œil à voir clairement, votre plume vous démangera. Si vous écrivez de la fiction, vous ne voulez pas noyer vos lecteurs. Rappelez-vous que la représentation amène l’intrigue et que l’intrigue amène tout le reste. Mais souvenez-vous que le plus grand plaisir de l’écrivain est de voir, et de voir parfaitement. Le troisième œil peut voir à l’infini. C’est un peu comme avoir un parc d’attractions dans le cerveau, dans lequel toutes les attractions seraient gratuites. Testez donc vous-même.
(D’après Stephen King, The Writer 08/10 – photo © Amy Guip, sur enviedecrire.com)
Si vous cherchez une idée pour écrire une nouvelle :
Sans Google, l’un des 50 œufs de Fabergé prendrait la poussière aujourd’hui dans une cuisine du MidWest, en attendant d’être fondu. Mais la vie d’un ferrailleur américain a changé le jour où, en 2012, il a tapé dans sa barre de recherche : « egg » et « Vacheron Constantin ».
Vacheron & Constantin, c’était l’inscription figurant sur l’horloge à l’intérieur d’un œuf en or acheté il y a une dizaine d’années, sur l’étal d’un antiquaire lors d’un marché aux puces.
Le ferrailleur a acquis l’objet non pas pour décorer sa cheminée mais en pensant le revendre pour son or, ses diamants et ses saphirs. Au vu du poids et des pierres, il investit 14 000 dollars.
Le pire investissement de sa vie, sans doute : les fondeurs à qui il le propose estiment qu’il a surestimé l’objet. Il ne veut pas vendre à perte et garde ce drôle d’œuf à trois pattes, renfermant une horloge de la maison suisse Vacheron & Constantin.
Mais ce jour de 2012, Google l’envoie vers un article du quotidien britanique Daily Telegraph. Il raconte que l’un des huit œufs de Fabergé de l’époque impériale portés disparus existe sans doute encore. On a retrouvé sa trace dans le catalogue d’une vente aux enchères de 1964 à New York – sans aucune mention de sa prestigieuse provenance.
Les experts sont formels : il y a toutes les chances que cet œuf soit l’un des premiers offerts par le star Alexandre III à sa femme, l’impératrice Maria Fedorovna, à Pâques en 1887. Il a été saisi par les Bolchéviques pendant la Révolution de 1917 et sa trace a été perdue.
L’article du Telegraph montre une photo en noir et blanc de l’œuvre vendue aux enchères en 1964, ressemblant furieusement à cet objet qui traîne dans la cuisine. Un expert londonien, de l’antiquaire Wartski, est cité. Le ferrailleur l’appelle.
L’expert, Kieran McCarthy, raconte au Daily Telegraph :
« Il a pris tout de suite l’avion pour Londres – la première fois qu’il se rendait en Europe – et est venu nous voir. Il ne dormait pas depuis des jours. Il a amené des photos de l’œuf et j’ai su tout de suite que c’était lui. J’étais époustouflé – c’est comme si j’étais Indiana Jones et que j’avais découvert l’Arche perdue. »
McCarty se rend ensuite dans la maison du propriétaire, au bord d’une autoroute et d’un Dunkin Donuts. L’œuf de Fabergé est posé à côté de cupcakes sur le comptoir de la cuisine.
L’examen ne laisse aucune place au doute : c’est bien lui. Il y a quelques rayures, héritage des examens des fondeurs d’or pour connaître la qualité du métal. Ces rayures ajoutent de la valeur à la pièce, estime l’expert, car elles montrent qu’elle a une histoire.
McCarthy a racheté l’œuf pour le compte d’un collectionneur privé, pour un montant inconnu. En 2007, un œuf de Fabergé non-impérial s’est vendu chez Christie’s pour 18,5 millions de dollars, rappelle Associated Press. Celui-là vaut théoriquement bien plus.
Le ferrailleur a gagné au loto.
« C’est un univers de diners et de pick-ups, la vraie Amérique ouvrière, lui et sa compagne sont encore sous le choc », raconte l’expert.
« Quand je les ai vus en janvier, ils n’avaient pas déménagé mais étaient sur le point de le faire, même si je crois que c’était juste pour prendre une maison plus grande dans la rue d’à côté. Ils ont aussi acheté une nouvelle voiture. »
Ma consoeur Hélène Duffau propose de découvrir Olivia Profizi, un nouvel auteur dont l'écriture est prometteuse.
Elle sera dans le Sud-Ouest au printemps.
Hélène Duffau accompagne Olivia Profizi dans sa tournée selon le programme ci-dessous :
"Olivia Profizi à Toulouse et Cazères
Olivia Profizi a publié Les Exigences aux éditions Actes Sud. Elle est l’invitée d’une tournée en Haute-Garonne.
Jeudi 20 mars à 19 h, la librairie Terra Nova à Toulouse lui consacre une rencontre publique que j’animerai.
Vendredi 21 mars à 19 h, la librairie Des Livres et délices à Cazères la reçoit. Martine Tatger, libraire, animera la rencontre.
Nous vous attendons nombreuses et nombreux à ces rendez-vous.
Arte et ses producteurs viennent d'être condamnés, y compris en appel, rendant la condamnation définitive, à cesser immédiatement la diffusion de "Intime conviction", première web fiction qui prolongeait le téléfilm sur internet. L'idée, pédagogique, était que les internautes pouvaient se mettre dans la peau des jurés et prononçaient le verdict.
Une vieille idée à la Robert Hossein qui avait vu Marie-Antoinette acquittée (on aurait été étonnés du contraire à notre époque, d'autant que le spectacle allait dans ce sens) lors de son spectacle au palais des Sports en 1993.
Sauf qu'il était très facile de reconnaître l'histoire du Dr Muller acquitté du meurtre de sa femme. Le concept paraissait moins pédagogique d'un coup puisqu'il était biaisé d'entrée de jeu. Comment demander au public d'avoir un regard objectif sur une affaire réelle déjà jugée?
La condamnation d'Arte et des producteurs est logique et justifiée, puisque le Dr Muller se sentait visé et atteint dans l'intimité de sa vie privée, ont conclu les juges.
Les producteurs ont eu beau argumenter que les débats étant publics, ils avaient le droit d'utiliser toutes les informations entendues. La Cour a objecté que la limite de cette utilisation en l'état était justement la fiction.
Régis Jauffret récemment attaqué par DSK pour son livre se situe sur un tout autre registre. Il a rempli les zones d'ombre que laissait justement toutes les informations publiques du fait divers.
Cette affaire est d'autant plus dommageable qu'Arte avait investi plus de 2,5 M€. En l'occurrence, investir dans un scénario original n'aurait pas été un luxe.
Kaboul Kitchen saison 2, actuellement sur Canal +, c'est eux. Fais pas ci, fais pas ça, aussi. Trentenaires, ils font partie du Sas, un collectif de jeunes scénaristes qui travaillent à l'américaine et imaginent quelques-unes de nos meilleures productions télé.
Le Sas, 16 scénaristes des séries Fais pas ci, fais pas ça, Un village français, Les Bleus, Falco... Ici, Franck Monsigny et Sagamore Stévenin (Falco), un inséparable duo de flics.
© C. Chevalin / TF1
Il y a des lianes, des chevelus, des circonspects, des coquettes, des pince-sans-rire et des rigolos. Sur la photo, ils sont 12. En vrai, ils sont 16. Tous scénaristes. Pour Fais pas ci, fais pas ça, Cherif,Un village français, Les Bleus, Falco, Parents mode d'emploi. Et pour l'épatante saison 2 de Kaboul Kitchen, qui vient de débuter sur Canal +, coécrite en partie par Benjamin Dupas, Fanny Herreroet Quoc Dang Tran. Eux et leurs copains sont les as du Sas, un collectif qui entend tutoyer la maîtrise américaine.
Parce que ça commence à bien faire. Le Français a l'esprit cocardier, sauf quand il se case devant le poste pour regarder une série. On a beau dire, on a beau faire, il préfère le made in America aux créations nationales. Selon une étude de Pure Médias, fondée sur les meilleures audiences de 2013, toutes chaînes confondues, Mentalist, Esprits criminels et Unforgettablefigurent au Top 3 de nos séries préférées. Que des trucs fabriqués chez l'Oncle Sam. Et ça fait des années que ça dure. Sans parler de Breaking Bad, de Game of Thrones, etc., sitôt diffusés aux Etats-Unis, sitôt téléchargés et encensés sur le Net.
La solution pour enrayer la machine consisterait, selon certains, à adapter chez nous la méthode américaine : un atelier d'écriture où cogite, discute et griffonne une équipe d'auteurs sous la supervision d'un showrunner, c'est-à-dire une sorte de demi-dieu qui, non content d'être le créateur de la série, chapeaute aussi les scripts, la production, la réalisation et le montage. Pas si simple à appliquer, la tradition, en nos riantes contrées, voulant que l'auteur d'une série se mêle uniquement de ses oignons. Chacun son métier et les vaches seront bien gardées.
Guillaume de Tonquédec (Fais pas ci, fais pas ça), en père de famille conformiste.
© Veronique FEL / FTV / Elephant S
Quant à fédérer un groupe de scénaristes, ce n'était pas tout à fait le genre de la maison il y a encore six ou sept ans. Une des rares séries 100% hexagonale procédant à la manière des Etats-Unis est Un village français, conçue sous la houlette de Frédéric Krivine, avec la bénédiction de France 3. Trois ans à suer sur les scénarios avant la diffusion du premier épisode, en 2009. Et des intrigues renversantes saluées par la critique et le public. Benjamin Dupas et Frédéric Azémar y ont fait leurs classes dès la première saison. "Grâce à Frédéric Krivine, on s'est rendu compte que c'était possible, pour des scénaristes français, de travailler ensemble", commente le plus barbu des deux. Le constat ne tombe pas dans l'oreille d'un unijambiste.
En 2007, le duo se retrouve au festival Scénaristes en séries, à Aix-les-Bains, écoute les doléances de tout un chacun, assiste à des débats où ça grince et où ça grinche. Dans le train du retour, entre deux cafés au wagon-restaurant, Benjamin Dupas livre à son compère une idée qui lui trotte dans la tête : "Je lui ai proposé de former un collectif pour partager notre travail, pratiquer une espèce d'autoformation, s'améliorer, se remettre en question et se sentir en famille plutôt qu'au milieu d'une jungle. Je crois qu'il faut être solidaire et échanger nos expériences pour faire bouger les lignes dans ce métier."
Fanny Herrero, Marine Francou et Elsa Marpeau, des complices de boulot, sont aussi partantes. Donc, c'est parti. Ils nomment leur collectif le Sas, comme le bar de nuit de la série québécoise Minuit, le soir. Ils convient d'autres belles plumes à se joindre à eux. Se réunissent tous les quinze jours pour dépiauter le scénario en cours de développement de l'un d'entre eux ou pour cuisiner un invité, avocat, flic, sociologue, écrivain.
C'est ainsi que Violaine Bellet, regard pétillant sous une avalanche de boucles, a intégré la tribu : "J'étais venue témoigner en tant que psychologue, et ils m'ont offert de rester dans le groupe." Il faut dire que Violaine est conseillère en psychologie des personnages sur Les Revenants, Un village français, Ainsi soient-ils, en plus d'être coscénariste de Q.I. Généralement, le recrutement d'un membre a plutôt lieu après observation dans son habitat naturel.Olivier Dujols, un grand brun tout en cheveux qui a participé à l'écriture de Cherifet de Falco, a été repéré par Frédéric Azémar alors qu'il oeuvrait sur un épisode d'Odysseus, la série d'Arte. "C'est très empirique, avoue l'énergique Fanny. Il faut qu'on sente une convergence de vues, un enthousiasme chez les nouveaux."
Pendant que le Sas s'étoffait, le recours aux ateliers d'écriture s'est accru au sein des chaînes et d'autres scénaristes ont fondé leur propre collectif, comme les Indélébiles, A suivre ou la Mafia princesse. "On en a été les initiateurs, mais on n'a pas inventé la poudre", tempère Benjamin Dupas. La poudre, non, mais une marque de fabrique qui rassure les producteurs et les diffuseurs. "Ils cumulent plus d'expérience que les autres et surmontent mieux les difficultés. Ils suivent une formation continue grâce à leur collectif, c'est idéal", confirme Véra Peltekian, chef de projet fiction à Canal +.
"A force d'analyser les séries étrangères et de disséquer nos pilotes, on a affiné le travail sur la dramaturgie. On n'est pas encore assez bons pour égaler les Anglo-Saxons, mais, en débattant ensemble d'un projet, on découvre d'autres approches scénaristiques et on apprend à réfléchir collectivement, admet Frédéric Azémar. Quand un producteur engage plusieurs membres du Sas, il sait qu'il gagnera en rapidité parce qu'on a un langage commun." Car l'intérêt d'amalgamer des scénaristes n'est pas seulement de perfectionner les intrigues, mais aussi d'enchaîner les saisons, histoire de fidéliser le téléspectateur.
Abdelhafid Metalsi (Cherif), en Starsky à la mode lyonnaise.
© MAKING PROD/FTV
Encore faut-il que les auteurs acceptent la contestation et la discussion. Ce qui n'est pas toujours le cas, selon des sources bien informées qui évoquent des gueulantes sismiques et des démissions brutales. L'humilité et l'échange ne s'improvisent pas, ils s'apprennent. Les scénaristes américains les ont assimilés dès leur formation. Les Français, eux, s'y initient sur le tas et sur le tard.
Avec la nouvelle génération, composée de trentenaires plus ou moins avancés, ça se passe mieux qu'avec les vieux de la vieille, trop habitués à phosphorer en solo. "Grâce au collectif, on a développé une complicité qui nous permet d'essuyer les critiques, explique Marine Francou. On discute, on prend les remarques en compte et on note les idées apportées par le groupe." Dans le détail, comment ça marche ?
Rendez-vous est pris le mardi, à 19h30, chez Fanny. Des poutres apparentes, une trottinette d'enfant dans un coin, une cuisine américaine et des paquets d'amuse-gueule en vrac sur la table basse parmi un tas de bouteilles. Les neuf joyeux drilles du jour discutent âprement des avantages et inconvénients des Pringles.
C'est mieux quand c'est rangé en pile, les chips. Oui, mais c'est pas bon. Bref. Florent, l'opéré du jour, se lance : "Je vous ai envoyé un texte, que j'ai repris, écrit il y a six ans. Plusieurs producteurs étaient intéressés, mais il est resté dans les tiroirs. C'est un portrait de groupe clairement influencé par Girls." Benjamin se penche sur sa chaise, sérieux : "C'est du 26 minutes ? Vous visez quoi ?" Florent : "Canal + ou Arte. Mais je n'ai pas envie de dénaturer le projet pour répondre à une demande." La fluette Cécile éternue dans son écharpe.
Frédéric se ronge un ongle. Olivier, enlisé dans le canapé, balance : "Je n'ai pas trouvé de structure, je n'ai vu qu'un empilage de gags. Dans Girls, tout tourne autour du désir d'écrire." Fanny : "Ça manque de chaleur, d'amour et de tendresse." Antonin : "Qu'est-ce qu'on espère, qu'est-ce qu'on redoute ? Faut qu'on redoute l'explosion de la bande." Florent, songeur : "Il faut peut-être remonter tous les enjeux dans le pilote..." Marine : "Il faut un personnage à un moment charnière de sa vie..." Olivier : "Il faut que tu privilégies un ou deux personnages, pas les six à chaque fois. Dans le pilote de Friends, tous les rapports de proximité sont établis ; dans ton texte, on ne sent pas encore tout ça."
Il sera aussi question d'un chat dyslexique, de Clara Sheller, du manque de séries "sortie de lycée" et du sexe énorme d'un mec dans Mon oncle Charlie. Ça ressemble à une soirée entre potes, mais ils ont tous planché sur le texte de Florent et consigné leurs réflexions. C'est dans ce ping-pong verbal, bourré de références, de commentaires bruts de fonte et de poilade, que se peaufinent les scénarios. Et que naît le dessus de la crème du must des séries françaises.
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/tele/series-tele-les-scenaristes-francais-la-jouent-collectif_1316721.html#hJHA0wgKpTVejkOW.99
Si vous écrivez des romans policiers, vous pouvez vous frotter à ce concours :
http://www.noslecteursontdutalent.fr/
L'impératif est seulement de ne jamais avoir publié...
Le cinéma a toujours aimé explorer ses propres travers et grandeurs, de "Sunset Boulevard" à "La nuit américaine", en passant par "The player".
Pour la télévision, c'est beaucoup plus récent. Les Américains et les Anglais davantage que les Français où la télévision a longtemps fait figure de cousine honteuse de la famille.
Voici un article qui recense les séries qui mettent en scène un scénariste de télévision. J'y ajoute "Castle" qui a pour héros un romancier de polars et où figurent des romanciers réels comme James Patterson ou Michael Connely.
Série Noire - DR
Alexandre Hervaud